EMPRUNTER LES CHEMINS INVISIBLES
Qui n’a pas rêvé un jour d’être un oiseau, de défier les lois de la pesanteur, d’aller tout là-haut, d’atteindre le ciel sans limite, le lieu du mystère absolu de l’univers ?
J’étais à Essaouira, collé à la falaise, face au ciel d’un bleu limpide. Le vent violent de l’atlantique soulevait les embruns jusqu’à vingt mètres de haut, et dans ce tumulte furieux, les ricanements des mouettes accompagnaient leur ballet : par centaines, elles allaient et venaient dans des courbes sinueuses, brisées par des chutes soudaines pour pêcher un poisson avant de revenir dans la danse. Fascinant, éreintant mais inoubliable spectacle : mes neurones miroirs en pleine actions devaient virevolter avec confiance dans cette ronde infernale !
Il semble bien que l’oiseau soit un symbole de liberté. Mais quelle liberté ? Cherche-t-on seulement à s’extirper de la terre ?
Car les oiseaux sont tout aussi esclaves de la pesanteur que nous, et souvent bien ridicules au sol…
Mais cette vision de ce qui nous est impossible nous fait réaliser que c’est possible. Et il ne s’agit pas vraiment du fait de voler, du moins pas seulement.
Notre fascination est sans doute liée à plusieurs caractéristiques de cette illusoire liberté du vol : cette capacité de détecter et d’emprunter des routes invisibles qui nous suggère que nous pouvons également le faire, la beauté de l’action juste et fluide, la capacité de danser en harmonie avec un partenaire ou des milliers d’autres sans aucune erreur. L’oiseau est un maître du mouvement, c’est-à-dire de l’espace-temps.
. Il emprunte les routes invisibles ? Toi-même quand tu « prends ton envol », tu sors de ta condition d’être cloué au sol par des contraintes extérieures. Désormais la route est libre : pourquoi ? non pas parce que tu as trouvé ta place, ni parce qu’il n’y a plus d’obstacle, mais parce que tu as trouvé ton objectif et ton élan : tu maîtrise le mouvement. Et cet objectif est finalement le vecteur de ce chemin invisible que tu suis, quel que soit ton libre arbitre réel. Comme l’oiseau disparait au fond du ciel, monté très haut et très loin, sans que tu t’inquiète pour lui, tu sais que tu vas toi aussi aller très loin, très haut.
. Lorsque les mouvements impressionnants de l’oiseau qui s’élance d’un coup d’ailes sont fixés dans l’arrêt sur image d’une photo ou dans un ralenti de film, ils montrent une précision extraordinaire du geste et une détermination implacable dans l’action. On trouve d’ailleurs une beauté d’une même inspiration chez les danseurs dont chaque mouvement nécessite une mise en action totalement maitrisée des chaines musculaires guidée par une intention clairement ressentie.
. Les nuées d’oiseaux, ce qu’on appelle aujourd’hui « murmurations », dans lesquelles des milliers d’oiseaux forment un ballet aérien d’une précision sans faille, tout en montrant une variété infinie de formes parfois très complexes fonctionnent sur le lien de chaque oiseau avec 7 des ses plus proches congénères, et les limitations de leur vision sur un plan horizontal. Ils sont tout à fait fascinants, au même titre que les ballets dans lesquels nous suivons avec admiration les danseurs jouant simultanément le même jeu, la figure opposée, ou complexifiant avec harmonie les formes générales : une murmuration de danseurs.
Qu’est-ce cette métaphore de l’envol nous nous apprend sur nous-même ? Si toute la puissance et la précision mise en œuvre dans cet envol permettent à un oiseau une étonnante maitrise de l’espace et du temps, les efforts que nous produisons pour rendre possible notre propre envol nous permettent d’apprivoiser l’impermanence de la vie : vivre est ressenti comme un acte artistique.
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